Est-ce bien une lampe à opium ?

 

  On voit parfois passer en salle des ventes cette jolie lampe en émaux cloisonnés au « verre » très spectaculaire. On la retrouve également illustrée dans les principaux ouvrages sur le sujet *.

Mais est-ce bien réellement une de ces lampes à opium en émaux cloisonnés tant recherchées par les amateurs ?

 

 Et bien non ! En fait, il s’agit d’une sorte de petite veilleuse, renfermant deux piles d’un modèle inhabituel (correspondant au type actuel CR123A) qui alimentent une petite ampoule électrique commandée par un mini-interrupteur encastré dans un des côtés :

 

 

 

  Comme on serait tenté de le supposer à priori, il ne s’agit pas du bricolage d’un amateur imaginatif mais bien d’un objet manufacturé en petite série.

La preuve en est que le logement de l’interrupteur n’est pas une ouverture pratiquée après-coup, mais s'avère bien être d’origine puisque encadrée de métal (photo ci-dessous) : 

 

 

 

  Les exemplaires de ces lampes que j’ai rencontrés présentaient effectivement tous cette petite ouverture, mais celui-ci est le seul que je connaisse à posséder encore son curieux mécanisme interne.

Peut-être encore un de ces gadgets Made in Hong Kong dans les années 60/70 ?

 

 

  On retrouve néanmoins dans cet objet toutes les techniques employées dans les belles lampes à opium du même type : une base, en laiton doré, décorée d’émaux cloisonnés d’excellente facture, supportant une galerie en paktong finement ajourée n’ayant rien à envier aux plus beaux modèles. Donc, rien à voir avec ce que l’on trouve habituellement dans les boutiques de curios...

  La verrine colorée est par contre d’un type très particulier. C'est le résultat d’une rare technique d’émaillage sur métal très délicate, habituellement utilisée en joaillerie, appelée « plique-à-jour ».

Les plus beaux exemples connus restent certainement les créations de Fabergé ou de Tiffany…

 

  Les émaux vitreux sont bien posés dans les mêmes petites cellules métalliques et cuits de façon identique à celle des cloisonnés habituels, mais sont ici montés sur une très mince feuille de métal qui sera, par la suite, éliminée par meulage ou à l’aide d’un acide. Ceux-ci semblent être construits sur le vide et deviennent alors translucides, tels de fragiles petits vitraux…

 

Jicé

 

(*) Flow « The Chinese Encounter with Opium », p. 311.

Armero & Rapaport « The Arts of an Addiction », p. 142 ; (pour ces ouvrages voir à la page " livres et documents " du site)